En décembre 2024, l’ANSES a publié une analyse approfondie des expositions aux huiles essentielles rapportées aux Centres Antipoison entre 2011 et 2021. Un document précieux pour les professionnels de santé, loin des discours alarmistes, qui éclaire les risques réels, les erreurs fréquentes et les bons réflexes à adopter.
« Huile essentielle » : un terme à clarifier
Avant même d’analyser les expositions, l’ANSES rappelle un enjeu fondamental : définir ce qu’est une huile essentielle dans le commerce aujourd’hui. Le terme « huile essentielle » recouvre aujourd’hui des produits très hétérogènes, parfois loin des standards de qualité attendus :
- Compositions variables selon l’espèce, le climat ou la période de récolte
- Mélanges sans précision de chimiotype
- Produits dilués ou modifiés (éthanol, huiles végétales…) vendus comme huile essentielle
Une variabilité qui complique l’évaluation des effets indésirables : dans de nombreux cas, on ignore quelle molécule active a réellement été en cause.
Pourtant, des référentiels normatifs existent (AFNOR, pharmacopée). Ce décalage entre les standards et les produits présents sur le marché pose des questions de qualité et de légalité.
Centres antipoison : que disent les données ?
L’analyse s’appuie sur plus de 30 000 cas recensés entre 2011 et 2021. Elle révèle :
- Une forte augmentation des signalements, passant de 1 926 cas en 2011 à plus de 4 000 cas/an entre 2018 et 2020 ;
- Une population majoritairement pédiatrique, avec un âge médian de 3 ans et 14 % des cas sur des nourrissons de moins d’un an.
Deux circonstances ressortent nettement :
- Ingestions accidentelles (38 %), souvent dues à un accès facile à un flacon par un enfant ;
- Les erreurs d’administration (36 %), souvent dues à une confusion avec la vitamine D (dans 79 % des cas pour les enfants de moins d’un an), liée à une similarité des conditionnements.
Le rapport met aussi en avant une intoxication grave liée à une inhalation pulmonaire secondaire à ingestion, soulignant que certaines substances contenues dans les huiles essentielles présentent un risque d’aspiration reconnu.
Certaines huiles nécessitent une vigilance accrue
L’ANSES attire l’attention sur des huiles essentielles à risque particulier :
- La Gaulthérie (Gaultheria procumbens et Gaultheria fragrantissima) quasi exclusivement composée de dérivés salicylés. Elle est à proscrire chez les patients allergiques, traités par anticoagulants, ou en automédication orale.
- Les Melaleuca (Melaleuca alternifolia pour le Tea tree, Melaleuca quinquenervia pour le Niaouli, Melaleuca cajuputi pour le Cajeput) : doivent être conservées au frais pour éviter la formation d’Ascaridole, molécule potentiellement toxique. L’ingestion est déconseillée chez les jeunes enfants, femmes enceintes ou allaitantes.
- Le Camphre, présent dans plusieurs HE, peut s’additionner rapidement en cas d’associations non raisonnées.
Une analyse rassurante et utile
Si les chiffres peuvent impressionner, ce rapport est avant tout une ressource précieuse pour les professionnels. Il montre que la majorité des accidents sont liés à des erreurs d’usage évitables : confusion, stockage inadapté. Il rappelle aussi l’importance de bien connaître la composition des produits utilisés, d’interroger leurs voies d’administration, et de conseiller avec rigueur.
Le message est donc plus rassurant qu’il n’y paraît. Ces accidents traduisent un manque d’information du public, non une dangerosité intrinsèque des huiles essentielles bien utilisées.
Ce rapport met en lumière le rôle clé des professionnels de santé : Conseiller, orienter, sécuriser les usages.
Cela nous rappelle aussi la nécessité d’une éducation continue du grand public.