L’estragole (méthylchavicol) se retrouve dans différentes huiles essentielles (HE) (voir liste ci-dessous). Parmi les HE riches en estragole (>15%), l’HE d’Estragon et de Basilic tropical CT estragole sont les plus utilisées en aromathérapie. Il peut également être présent à l’état de traces dans d’autres HE.
Liste des HE courantes contenant de l’estragole (1)
HE d’Estragon, Artemisia dracunculus (entre 70 et 90 %) ;
HE de Basilic commun, et Basilic tropical Ocimum basilicum (entre 70 et 90% pour les chimiotypes estragole),
HE de Basilic sacré Ocimum tenuiflorum (9-13 %) ;- HE de Fenouil amer Foeniculum vulgare subsp. vulgare var. vulgare (2-6.5 %),
HE de Fenouil doux, Foeniculum vulgare subsp. vulgare var. dulce (1-4.8 %) ; HE d’Anis, Pimpinella anisum (0.3-4%),
Anis étoilé, Illicium verum (0.3-6.6 %).
Génotoxicité de l’estragole
La génotoxicité de l’estragole est liée à ses produits de métabolisation par les cytochromes provoquant des hépatocarcinomes chez le rat. Cette génotoxicité chez les rongeurs est retrouvée avec l’estragole pur et les HE contenant de l’estragole.
En 2015
le groupe HMPC (Committee on Herbal Medicinal Products) de l’agence européenne du médicament (EMA) a publié des recommandations sur l’utilisation de médicaments à base de plantes contenant de l’estragole, quel que soit le mode d’utilisation de ces plantes, en infusion, extraits ou huiles essentielles.
Compte-tenu des données de toxicité connue pour l’estragole, une dose maximale recommandée a été fixée à 0,5 mg/j (per os et cutané) pour une durée maximale de 14 jours.
Cette dose maximale est très largement dépassée pour une goutte de 30 mg d’une HE riche en estragole (par exemple 22 mg d’estragole si l’HE en contient 75 %). Ainsi, pour envisager un usage en aromathérapie, il ne faudrait pas dépasser, par exemple, 1 goutte /jour d’une solution à 2.3 % d’HE de Basilic tropical, par voie orale ou cutanée.
En 2023
l’EMA a actualisé ses recommandations sur l’utilisation des médicaments à base de plantes contenant de l’estragole. Les seuils maximaux ont été diminués par 10 par rapport à 2015 et la dose maximale recommandée est désormais de 0.052 mg/jour par voie orale et cutanée pour un durée de 14 jours. Aussi pour reprendre l’exemple précédent, il ne faudrait pas dépasser la dose d’une goutte par jour d’une solution à 0.23% d’HE de Basilic tropical, par voie orale ou cutanée.
Pour ces raisons, parmi les HE ayant une monographie établie par le groupe HMPC (Committee on Herbal Medicinal Products), la monographie de l’huile essentielle de Fenouil amer a été supprimée en 2022, considérant le rapport bénéfice / risque de cette huile essentielle défavorable. Les monographies pour le fruit de Fenouil doux ou amer sous forme d’infusion ou autres extraits respectant cette dose maximale restent cependant en vigueur.
Que penser de ces avis ? Ouvre-t’on le parapluie trop grand ?
Il s’agit de recommandations basées sur l’extrapolation de données in vivo chez le Rat, et le métabolisme hépatique de l’estragole qui conduit à la génération des dérivés génotoxiques. Cette métabolisation n’est pas forcément identique entre l’Homme et l’animal, ni linéaire à toutes les doses chez l’Homme (manque de données à ce niveau) et peut donc être soumis à de fortes variabilités interindividuelles.
De plus, l’application de doses seuil trop basses risque de nous exposer à un autre danger… celui d’identifier le moindre de nos aliments courant comme étant toxique. En effet, la dose maximale de 0,05 mg/ jour, est 20 fois inférieure à la dose moyenne d’exposition à l’estragole pour une infusion à base de fruits de Fenouil (estimée entre 0.4 à 1 mg par tasse), ce qui soulève la question du risque lié à l’exposition alimentaire au Fenouil ! Il existe d’ailleurs déjà des avis contre-indiquant les tisanes de fenouil aux femmes enceintes et qui allaitent. Est-ce bien raisonnable ?
Finalement quelle position adopter ? Peut-on continuer à proposer les HE d’Estragon ou de Basilic CT estragole ?
Les études toxicologiques permettent d’identifier un risque. Le danger réel est lié à l’exposition à ce risque.
Ainsi, la dose d’exposition à l’estragole est un enjeu important pour définir la sécurité d’emploi des produits de santé en contenant (C’est la dose qui fait le poison…). Ces doses sont évaluées en envisageant une exposition quotidienne à la substance toxique. Il revient ensuite au fabricant ou au professionnel proposant ces produits de s’assurer de ne pas exposer le consommateur ou le patient à des doses trop élevées d’estragole…
Pour les professionnels souhaitant envisager l’utilisation de ces HE, il faut bien avoir à l’esprit que la quantité d’estragole apportée par une goutte d’HE d’Estragon ou de Basilic prise par voie orale est très élevée (22 mg par goutte ) !
Il convient effectivement de limiter cet apport en proposant une dose limitée mais également pour une durée limitée pour les HE riches en estragole comme l’Estragon ou le Basilic CT estragole.
Il convient également de déconseiller ces HE aux populations sensibles : enfants, femmes enceintes ou qui allaitent, mais aussi personnes en âge de procréer…
[1] Tisserand R., Young R. Essential Oil Safety: A Guide for Health Care Professionals, 2e Ed. 2014, ed. Churchill Livingstone
